Alors que le Discours de la Méthode de Descartes vise à asseoir la connaissance sur des fondements solides et trouver le moyen d’agir au mieux, la méthode de discours des politiques joue sur d’autres ressorts. Art de la persuasion, adaptabilité, capacité à répondre aux questions difficiles, … quoi que l’on pense de leurs partis-pris, il faut reconnaître que certains politiques maîtrisent la rhétorique à la perfection, et leurs apparitions se transforment de plus en plus souvent en véritable opération de communication. Leur succès est clairement dû à leur éloquence, et parfois, à la capacité de trouver cette « petite phrase » qui sera reprise en boucle. Experts dans l’art de convaincre, leur but est d’emporter l’adhésion de leur auditoire grâce à un discours percutant. Alors comment les dirigeants peuvent-ils s’inspirer de leurs techniques ?

Si l’on se plonge dans l’actualité récente, le discours qu’a tenu Gabriel Attal face aux agriculteurs le 26 janvier dernier a été salué dans les médias comme un modèle du genre en termes de communication. Il s’agit là en effet, d’une superbe démonstration de captatio benevolentiae, cette technique rhétorique ancestrale utilisée par les orateurs latins, qui servait à attirer la bienveillance et la sympathie de leur auditoire. En 2024, on s’aperçoit que cette technique n’a pas pris une ride, puisque c’est par ce procédé que Gabriel Attal a tenté de nouer un lien direct avec les agriculteurs (et les journalistes …), en vue d’obtenir leur adhésion à ses propos. Décryptage des différentes étapes d’un captatio benevolentiae réussi.

Faire preuve d’empathie en partageant les préoccupations de son auditoire

Dès le début de son allocution, Gabriel Attal se connecte aux agriculteurs en montrant qu’il comprend leurs besoins et leurs préoccupations. Il se présente comme étant leur porte-parole direct et s’approprie leur questionnement, il leur fait comprendre qu’il va dans leur sens et qu’il sait de quoi il parle. Ses nombreuses apostrophes en début de phrase illustrent bien cela, car elles lui permettent de s’impliquer personnellement : « Pour moi », « Et je le dis », « Et je le sais », … L’utilisation du pronom « on » continue de renforcer le sentiment d’appartenance, et nous donne l’impression qu’il ne fait plus qu’un avec son auditoire : « on est un pays où on est toujours capable de se parler », « je suis venu parce que je sais que vous ne pouvez plus attendre, qu’on ne peut plus attendre ». En filigrane on peut comprendre : « vous n’êtes pas seuls, je suis là pour vous soutenir ». Le contact est établi, les bases du discours son posées.

Créer l’émotion en mettant le public en valeur

Renforcer la propre estime de l’auditoire constitue également un très bon moyen de créer du lien émotionnel avec lui. Il faut le complimenter, lui montrer à quel point il est indispensable. Pendant un long moment dans son discours, le Premier Ministre valorise le travail des agriculteurs. Il les hisse au rang de véritables acteurs de la puissance française : « la France, c’est une puissance agricole », « dans paysan, il y a pays », « Personne ne sait mieux que vous comment faire votre métier au mieux », « sans nos paysans, sans nos agriculteurs, ce n’est plus la France et ce n’est plus un pays ». Dans cette partie du discours, c’est clairement l’émotion de fierté qui est mobilisée. Ce n’est pas du tout anodin, car on sait bien que les émotions viennent saturer notre cognition : plus nous sommes émus, plus il est difficile de déployer des facultés critiques, et plus nous nous laissons facilement convaincre.

Exprimer de la gratitude est aussi une technique qui fonctionne : Gabriel Attal ne s’en prive pas et remercie les agriculteurs d’être qui ils sont : « vous êtes toutes et tous des femmes, des hommes de valeurs, responsables, qui êtes toujours au rendez-vous de vos responsabilités et de vos devoirs ».

Utiliser des images fortes pour illustrer vos propos

A Montastruc-de-Salies, Gabriel Attal a fait fort en termes d’image : vaches en arrière-plan, botte de foin pour faire office de pupitre … Si là encore, les avis sur cette prise de position peuvent varier, Gabriel Attal a été concret, et s’est approprié les codes de son auditoire. Pour rappel, 93% de la communication serait non verbale. On reconnaît bien là la puissance de cette technique, du contact visuel, des gestes et des images pour établir un lien et faire passer son message.

Engager son public pour le rendre acteur du discours

Enfin, une étape essentielle pour capter l’attention est d’impliquer son auditoire en posant des questions, en sollicitant sa participation ou en l’invitant à réfléchir à certaines idées. Cela le rend acteur, et non plus simple spectateur. Là encore, Gabriel Attal nous montre qu’il détient parfaitement les codes en utilisant ce que l’on appelle en rhétorique un « gradatio ». Il s’agit d’une succession de questions ouvertes, servant à susciter la réflexion. Pour enfoncer le clou, une anaphore implicite vient renforcer le rythme de ses phrases et montre à quel point il a compris les difficultés que subissent les agriculteurs : « Qui sont les premières victimes de la dégradation de l’environnement ? Ce sont nos agriculteurs et nos éleveurs ». « Qui se prend le gel, la canicule, la sécheresse, les tempêtes comme on a pu le voir, les inondations encore dans le Pas-de-Calais ? Ce sont nos agriculteurs et c’est nos éleveurs ».

Comme on vient de le voir, les politiciens sont maîtres dans l’utilisation d’analogies, de métaphores, et bien d’autres figures de style encore. C’est dans leur faculté à savoir parfaitement manier le langage et motiver leur audience, qu’ils peuvent être une source d’inspiration pour les dirigeants. Chez Kablé Communication, nous constatons au quotidien auprès des dirigeants que nous accompagnons en RP combien une bonne communication est essentielle. C’est un outil précieux pour transmettre de façon claire leur vision et leurs objectifs à leurs équipes et pour construire et préserver l’image de marque et la réputation de l’entreprise auprès des médias et plus généralement de l’ensemble du monde extérieur.