Ce jeudi 16 juin avait lieu le Big Bang Eco du Figaro, une journée dédiée aux sujets brûlants de la révolution numérique : avenir du salariat, mobilité, impression 3D et blockchain.

« La technologie blockchain est extrêmement complexe : si l’on pense avoir compris, c’est que l’on est en train de partir dans l’erreur ». C’est là le défi de la blockchain posé par Philippe Dewost, qui a créé le think tank Labchain au sein de la Caisse des Dépôts afin de se positionner sur ce sujet. C’est dire si la mission de vulgarisation de Blockchain France, association représentée par le jeune Antoine Yeretzian (photo ci-dessous) dès l’ouverture de la conférence, était ambitieuse.

Introduire la blockchain est une gageure pourtant indispensable pour comprendre l’impact de cette nouvelle technologie. Qu’est-ce que la blockchain ? Une technologie qui permet d’enregistrer les informations relatives à des transactions au sein d’un réseau distribué. Ses avantages : désintermédiation, traçabilité, sécurité réputée inviolable. Dans le même temps, la blockchain révolutionne les relations contractuelles grâce aux « smart contracts », des protocoles informatiques qui facilitent, vérifient et exécutent automatiquement la négociation ou l’exécution d’un contrat transcrit sous forme d’algorithme.

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Blockchain France vulgarise la blockchain au BigBang Eco
 

Mais pourquoi s’intéresser à la blockchain et quels pourraient en être les usages ? « La blockchain est la capacité d’effectuer une transaction et de faire circuler de la valeur de manière désintermédiée, sécurisée et transparente », commence Françoise Mercadal-Delasalles, Directrice des Ressources et de l’Innovation du Groupe Société Générale. Derrière cette définition austère, un impact business gigantesque : cette technologie pourrait s’appliquer à la gestion d’actifs, aux actions, aux process internes, mais aussi à la santé, aux actes notariés, au vote en ligne…

L’industrie financière étudie avec attention les applications de la blockchain, mais aussi avec méfiance. En tant que banque, faire sortir les données clients de son serveur  et les diffuser sur un registre extérieur relève de l’acte de foi. D’autant plus que la transparence assumée de la technologie blockchain, dont les registres peuvent – dans certains cas – être publics, semble d’emblée s’opposer au secret des affaires. Tous les participants à la table ronde ont donc souligné le besoin de trouver un processus consensuel pour intégrer cette technologie à leur business practice.

Un pas qu’a déjà franchi The DAO, premier fonds d’investissement décentralisé, autonome, démocratique et transparent, qui a levé 150 millions de dollars via une campagne de crowdfunding* sur la blockchain Ethereum. Ce fonds consiste en un algorithme traitant avec les internautes qui l’ont financé. Basé sur un smart contract, il reçoit les propositions de projets, les soumet aux cofondateurs (plusieurs milliers de personnes) et si 51 % d’entre eux valident la demande, The DAO investit. Bien que l’expérience ait tourné court suite au piratage du fonds (dû à une vulnérabilité dans le code des smart contracts, mais pas de la blockchain qui les sous-tend), son impact demeure retentissant.

Mais la finance n’est pas le seul domaine d’application, souligne Philippe Camus, Président du Conseil d’Administration d’Alcatel-Lucent. La blockchain pourrait permettre à des objets connectés, par exemple des appareils ménagers, d’exécuter entre eux des opérations, sans intervention humaine**. Mais cela ne sera possible que grâce aux smart contracts. « L’internet des objets, ou IoT, ne pourra fonctionner que s’il existe une technologie de type blockchain. Autrement, nous serons dépassés par les coûts et le manque de fiabilité des transactions » annonce-t-il. La capacité à auditer les algorithmes qui régissent ces smart contracts constituera le vrai sujet d’avenir pour Philippe Dewost et Julien Maldonato, Directeur Conseil chez Deloitte. Un audit que l’expérience de The DAO rend d’autant plus nécessaire.

L’intervention en clôture d’Henri de Castries, PDG du groupe AXA, aura sonné comme une forme d’avertissement : lorsqu’une rupture technologique survient, il faut la comprendre, s’en saisir et l’utiliser. Dans le cas contraire, c’est se contraindre à la subir, jusqu’à disparaître. Ou comme il le résume : « il vaut mieux être sur le dos du dragon que devant sa bouche ». La France, qui a déjà introduit des éléments de régulation pour expérimenter la blockchain, aura-t-elle l’ambition de chevaucher le dragon de la révolution numérique ?

*A ce sujet, lire l’article « The DAO, le premier fonds d’investissement sans Dieu ni maître, récolte 150 millions de dollars », France 24, 19/05/2016
**A ce sujet, lire l’article « La blockchain va libérer l’IoT », Journal du Net, 13/06/2016

 

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