En matière d’intelligence artificielle, un nom revient régulièrement en France : celui de Marjolaine Grondin, CEO et cofondatrice de Jam, un chatbot * spécialisé dans la recommandation de loisirs et les sondages conversationnels auprès des 18-30 ans. Ce robot propose des recommandations à ses utilisateurs sur la manière d’occuper son temps libre : cinéma, restaurant, théâtre, sport, bien-être… Marjolaine nous reçoit dans ses bureaux du Sentier à Paris pour parler d’intelligence artificielle, de chatbots, et des attentes des consommateurs.

Quelle proportion d’IA y a-t-il dans Jam ?

Il y a eu des changements récemment !  Au départ, nous étions sur le modèle d’un humain assisté par la machine. Puis nous avons changé de paradigme et avons décidé de passer à un modèle où c’est la machine qui est assistée par un humain. Mais cela a soulevé d’autres problématiques : la scalabilité** du modèle d’abord, car cela demande beaucoup de recrutements. D’autre part les utilisateurs ne sont pas encore familiers avec les limites de l’intelligence artificielle : la présence humaine avait tendance à leur faire penser que Jam pouvait tout faire. Cela rendait le champ d’applications trop large et les choses compliquées à gérer. Pour ces raisons, nous sommes désormais passés en « Full IA », qui se trouve être techniquement plus simple à gérer.

 

Comment attirer les utilisateurs sur ce type de produit?

Il faut que la qualité du produit lui permette de générer sa propre croissance organique. Les levées de fonds et les budgets marketing ne sauveront pas un mauvais produit : il faut qu’il soit suffisamment bon pour que les utilisateurs en parlent à leur entourage. Parfois, nous en acquérons via Facebook, mais le bouche-à-oreille est notre meilleure communication. Quand nous faisons un changement, nous sommes attentifs au feedback des utilisateurs. C’est seulement lorsque nous sommes sûrs que le produit est suffisamment bon que nous utilisons le levier des relations presse pour acquérir de la notoriété et élargir notre base d’utilisateurs.

 

Concernant les relations presse, comment présentes-tu Jam aux journalistes ?

Assez simplement, on part d’un problème concret en se focalisant sur les utilisateurs. On ne le présente pas comme une technologie, mais comme « un ami qui vous rend la vie plus simple ». Le temps de réponse immédiat est dynamique à présenter devant une caméra de télévision. Ensuite, cela dépend de l’affinité du journaliste avec le sujet, de son média, et du temps dont il dispose !

 

Comment communiquer simplement sur quelque chose d’aussi complexe que l’IA ?

Il faut s’adapter à la cible et au temps dont on dispose. Lorsque je présente Jam, je ne pars pas de la technologie mais du produit : les problèmes que cela résout, l’usage, les bénéfices pour l’utilisateur… Pour moi l’IA est un outil, ce n’est pas le produit. Le fait de ne pas être ingénieure à l’origine m’aide aussi à ne pas me perdre dans la technicité, tout en apprenant tous les jours davantage.

 

Et sur les réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux, c’est un vrai levier pour nous dans le sens où c’est notre seul interface « one-to-many », à l’inverse du one-to-one au sein de la conversation. Comme nous n’avons pas de réel site, c’est notre seule présence visible. Facebook est très pertinent pour nous, puisque l’on se sert notamment de Messenger pour échanger avec Jam. Nous avons pris le parti de faire parler Jam à la première personne. Nous illustrons son environnement : le type de lieux, de contenus ou d’activités qu’il apprécie. Nous le faisons également réagir à l’actualité, à la culture pop, mais aussi partager l’aventure entrepreneuriale et la culture start-up.

 

Est-ce que l’engouement que l’on observe pour les chatbots est selon toi une tendance de fond, ou une mode ?

Je pense que cet engouement marque vraiment une tendance de fond : les API connectées entre elles, l’essor des bots en général (pas seulement les chatbots), le conversationnel, sont de vraies orientations actuellement. En revanche il y a encore une forte illusion de simplicité chez les usagers, qui doivent être éduqués à ce que l’on peut réellement faire et les limites actuelles des bots. On ne se rend pas compte du temps de développement et des moyens que la conception d’un bot comme Jam demande. On ne peut pas développer un « Jam » interne pour une entreprise en trois semaines pour quelques milliers d’euros.

 

L’IA soulève beaucoup de craintes : est-ce que c’est quelque chose auquel tu es confrontée avec Jam ?

Oui, régulièrement. La principale inquiétude que j’entends autour de moi est le futur du travail. L’essor de l’IA pose beaucoup de questions à ce niveau. L’autre sujet auquel nous faisons face, c’est la bienveillance de l’IA par rapport à l’utilisateur. L’utilisateur doit être sûr que l’IA lui propose des choses dans son intérêt, et non celui des marques qui auraient un partenariat commercial avec son créateur. Sur ce point j’estime que nous avons le devoir de nous diversifier et de garder l’utilisateur au cœur de nos préoccupations.

*robot logiciel pouvant dialoguer avec un individu ou consommateur par le biais d’un service de conversations automatisées

**capacité d’une entreprise à adapter son business model, son schéma d’entreprise à une forte augmentation de son volume d’activité

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